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Sport et environnement : de Tokyo2020 à Paris2024
Par Robert Lanquar et Geoff Gibas, Swiss UMEF University | 27 avril 2021 | Mis à jour à 09:04

Le Monde est vert
| L’année 2021 remettra sur les rails la lutte contre le changement climatique. Sommets, réunions et conférences vont se multiplier. En même temps, se renoueront de grands événements sportifs. Les Jeux Olympiques 2020 de Tokyo auront lieu du 23 juillet au 08 août 2021 : un ajournement d’un an dû à la pandémie de la COVID19, avec une participation surtout nationale, un gain énorme pour la balance touristique japonaise. Quelques semaines plus tard, en novembre, se tiendra à Glasgow la COP26 – la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. On y parlera aussi de sport.
Dès février 2020, plus de 250 associations sportives mondiales s’étaient réunies à Londres pour préparer la COP26 afin de prendre en compte une transition rapide vers des activités sportives bas carbone et encourager l’éducation et l’engagement des amateurs et fans sportifs envers la lutte contre le changement climatique. Le Sport Positive Summit du Wembley Stadium en collaboration avec l’UNFCCC (United Nations Climate Change) et le Comité Olympique International put se dérouler en septembre 2020. Il put offrir des contenus conséquents et méthodiques avec les réseaux économiques et sociaux qui opèrent dans le sport pour affirmer le potentiel de placer la durabilité au cœur des affaires sportives ; pour assurer des économies à long terme et apporter les avantages d’un effet de halo favorable dans l’opinion publique.
À Wembley, on souligna le rôle de leadership que le sport peut jouer pour stimuler le développement durable et la lutte contre le changement climatique et on demanda un engagement sans failles à toutes les « Ligues, Clubs, Sites, Fédérations et Organismes sportifs, Marques, Tournois et Tours, Titulaires de droits, Associations, Fournisseurs de solutions, Innovateurs, Gouvernement, Organismes des Nations Unies, ONG, Groupes de défense ». Niclas Svenningsen, Directeur de l’action mondiale pour le climat à l’ONU, déclara à cette occasion : « Peu d’autres secteurs sont aussi visiblement exposés aux impacts du changement climatique que le sport. De même, peu d’autres secteurs ont un potentiel aussi important pour faire partie de la solution au changement climatique que le sport ». La thématique était déjà apparue en France dès 1993, lorsque le Ministère de la Jeunesse et des Sports créé une commission « sport et environnement » pour permettre un dialogue entre institutions, associations et politiques. Elle est de plus en plus largement admise aujourd’hui.
Le Sport Positive Sommet Virtuel 2021 veut aller plus loin, au-delà des déclarations, pour réduire l’empreinte carbone des activités sportives et engager les amateurs à réduire leur empreinte environnementale. Malheureusement, depuis la fin du 20ème siècle, le sport est entré dans une logique économique néolibérale comme un élément promotionnel et publicitaire donnant lieu à d’énormes profits pour quelques clubs réunis en ligues , en particulier pour le football en Europe et en Amérique du nord, mais aussi pour les Jeux Olympiques et des Jeux régionaux comme les Jeux méditerranéens. L’activisme sportif a été contourné, sinon détourné, avec une ampleur sans précédent, tant au niveau du volume des pratiques que des masses financières générées. Heureusement un élément nouveau est venu complexifier la gestion des activités sportives : l’environnement et le développement durable.
La position des experts
Les experts ont présenté de différentes façons l’impact d’un sport sur l’environnement, comme Michel Bouet, dès le début des années 1990. Selon lui, on pourrait regrouper les sports selon leur impact sur les éléments suivants : « bruit, lumière, pollution de l’air, de l’eau et des sols, production de déchets, impact sur la faune et la flore, conflits d’usage, sécurité, conflits socioculturels, et effets socio-économiques ». Ces atteintes sont d’abord directes sur le milieu naturel, comme le ski ou l’alpinisme, mais aussi la pollution atmosphérique et auditive occasionnée par les sports motorisés ainsi que les déchets laissés et le piétinement d’écosystèmes fragiles avec disparition d’espèces végétales et animales.
Par contre, d’autres pratiques ont un faible impact sur les milieux aquatique, rural, forestier ou montagnard. Le problème essentiel est celui de la surfréquentation.
Certains sports sont enfin gros consommateurs d’énergies pour l’entretien et le fonctionnement des équipements et des engins, même si un effort particulier a été fait ces dernières années pour utiliser uniquement du renouvelable. C’est le golf qui est le plus visé en raison de son utilisation extensive d’espaces extérieurs, et surtout de l’eau dans des régions méditerranéennes d’Andalousie, Maroc et Tunisie. N’oublions pas non plus, le trafic routier engendré par de grands événements, la construction de stades et d’équipements sportifs en milieux urbains déjà surchargés, des raids ou rallyes comme le Paris-Dakar qui a dût émigrer d’abord en Amérique latine et en 2021 en Arabie saoudite.
À la fin des années 1990, les conflits d’intérêts entre environnement et sport se sont multipliés alors que le Consensus de Washington néolibéral visait l’ouverture des marchés, la privatisation, le contrôle de l’inflation, la déréglementation et la discipline budgétaire, aussi pour le sport.
De Tokyo 2020 à Paris 2024 : des ODD à l’économie circulaire
Est-ce qu’avec la pandémie, les choses ont changé ? Le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo (Tokyo 2020) utilise le slogan : « Soyons meilleurs, ensemble – pour la planète et les gens », en se référant à l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le Développement Durable et ses 17 objectifs de développement durable (ODD), dont l’un précise que « le sport est aussi un facteur important du développement durable ». Pour cela, 5 grands thèmes seront abordés à Tokyo 2020 :
- le changement climatique avec l’objectif : Vers le zéro carbone en mettant l’accent sur les économies d’énergie maximales et l’utilisation des énergies renouvelables lors des Jeux, pour lancer les bases d’une société décarbonée, en avance sur le reste du monde.
- La gestion des ressources avec l’objectif : Zéro gaspillage pour « éliminer la charge environnementale causée par les déchets, sur la base de l’utilisation des ressources sans aucun gaspillage dans toute la chaîne logistique » avec réutilisation (y compris les locations et les crédits-bails) ou recyclage de 99 % des articles et des biens achetés.
- L’environnement naturel et biodiversité avec l’objectif : La ville dans la nature/la nature dans la ville : « un riche réseau écologique sera restauré et formé grâce aux Jeux et contribuera à la création d’un nouveau système urbain qui améliorera le confort et la résilience ».
- Les droits de l’homme, du travail et le commerce équitable avec l’ objectif de la célébration de la diversité : « Inspirer des Jeux inclusifs pour tous » en intégrant solidement la diversité et l’inclusion (D&I) dans tous les aspects de la préparation et du fonctionnement des Jeux afin de respecter les droits humains de toutes les personnes impliquées dans les Jeux.
- Enfin l’implication, la coopération et la communication (Engagement) avec comme objectif : Unis dans le partenariat et l’égalité en toute transparence et en partageant les informations pour sensibiliser le public à l’importance de la durabilité.
À Paris, l’économie circulaire est devenu la clé des Jeux Olympiques et Paralympiques. Sa candidature s’est basée sur le slogan « les 1er Jeux de l’économie circulaire ».
Comment ira-t-on plus loin que les Jeux de Tokyo ? C’est d’abord au niveau de la conception des équipements et des infrastructures. Les Jeux de Paris devraient avoir un impact faible sur l’environnement parisien et francilien (Ile-de-France). Les sociétés partenaires ont pris des engagements à cet effet, même Airbnb, « la plateforme communautaire payant de location de logements de particuliers, d’entreprises hôtelières (gîtes, chambres d’hôtes et d’hôtel), et d’investisseurs en immobiliers locatifs para-hôteliers (loueurs de meublé professionnels ou loueurs de meublé non professionnel) » très critiquée sur de nombreux points et entraînant un surtourisme néfaste aux populations résidentes.
Il a fallu alors créer des structures appropriées pour appliquer les principes de l’économie circulaire. La SOLIDEO (Société de livraison des équipements olympiques et paralympiques) est ainsi allée à la rencontre de ses différents prestataires avec les thèmes de la déconstruction sélective, le réemploi et le recyclage à 90% pour les bâtiments nécessaires à la création du Village des Athlètes. Elle collabore entre autres avec la société coopérative d’ingénierie et de conseil Neo-Eco, créée pour développer l’économie circulaire et minimiser l’impact du sport sans sacrifier, notre selon ses mots, « confort et notre plaisir avec un objectif commun : un monde sans déchet ! ».
Vers une éducation sportive leader sur le climat et la gouvernance démocratique
Si les Jeux de Paris 2024 montrent l’exemple, d’autres suivront, s’appuyant sur les objectifs de l’Accord de Paris qui seront renouvelés à Glasgow lors de la COP26 où l’on voudrait faire du sport un leader climatique avec l’initiative Sports for Climate Action, forum où les organisations sportives peuvent « poursuivre l’action climatique d’une manière cohérente et mutuellement solidaire en apprenant les uns des autres, en diffusant les bonnes pratiques, les leçons apprises, en développant de nouveaux outils et en collaborant dans des domaines d’intérêt mutuel » (Nations Unies).
En définitive, les relations entre sport et environnement sont plus étroites que manifestes. Mais la prise de conscience devient aujourd’hui évidente. Une feuille de route pourrait ainsi être discutée en relation avec la COP26 de Glasgow pour que le sport devienne un instrument aux mains des politiques et des législateurs pour éduquer et répondre aux problématiques de la durabilité et, dans une société de plus en plus digitalisée, aux questions liées à la protection des données, à la privacité et aux droits de l’homme (égalité des genres, lutte contre le racisme). Le sport est un outil de gouvernance et de démocratie environnementale, ne l’oublions pas. Il est au cœur d’une éducation qui doit être vecteur de transformation sociale permettant de transmettre des valeurs environnementales et démocratiques contribuant à la formation générale des individus et des sociétés dans lesquelles ils vivent et à lutter contre l’accélération du changement climatique.
(1) JF Bourg et JJ Gouget, Analyse économique du sport, PUF, 1998.
(2) Gilles Paché, Les ligues de sport professionnel, Un modèle pour l’enseignement supérieur de gestion, Revue française de gestion 2018/2 (N° 271)
(3) Ceux d’Oran(Algérie) de 2021, ont été repoussés à l’été 2022
(4) Michel Bouet, Les Cahiers de l’université sportive d’été N°8, Sport et Environnement, Editions de la maison des sciences de l’homme de l’Aquitaine, 1995.