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Une nouvelle génération d’agricultrices en Afrique du Sud

Par Sarah DIOURI | consultante polyglotte en Agro-Business | Banque Mondiale (Washington DC,USA) | 11 décembre 2018 | Mis à jour à 11:12


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| Bienvenue au Cap Occidental en Afrique du Sud. Cette province réputée pour ses paysages paradisiaques et sa production agricole riche, traîne l’héritage d’un lourd passé ségrégationniste.

 

Le Cap Occidental est en effet une des provinces les plus affectées par l’Apartheid, ce régime de marginalisation systématique des populations noires et de couleur. Aujourd’hui encore, ces communautés restent plongées dans un système d’inégalités et de pauvreté et leur accès à la propriété de la terre demeure difficile.

Les jeunes de ces communautés entretiennent ainsi un rapport très conflictuel à la terre et n’aspirent pas à y travailler malgré le peu d’alternatives. C’est au vu de ce contexte que nous avons décidé de mettre en place un programme destiné à sensibiliser les jeunes aux différentes opportunités de carrières dans le secteur agricole. Nous avons ciblé les jeunes filles en cours d’orientation professionnelle (de 14 à 18 ans) et issues des communautés noires et de couleur de la vallée du Lynedoch et de Stellenbosh.

Si nous avons choisi les femmes, c’est parce qu’elles accèdent plus difficilement que les hommes aux ressources telles que l’eau, les intrants agricoles, la terre, le financement ou encore les formations. Ces inégalités les rendent d’autant plus vulnérables aux effets des changements climatiques qui déjà affectent la productivité et la rentabilité du secteur agricole du Cap Occidental. En nous focalisant sur les femmes, nous avons aussi fait le choix de l’avenir puisque ce sont généralement elles qui, dans ces communautés, s’occupent d’éduquer les enfants et de les nourrir. Leur rôle de chef de fa-mille est d’autant plus important que le taux d’alcoolisme chez les hommes reste élevé à cause du Dop System.

Ce système hérité de l’Apartheid, désormais aboli, permettait de payer une partie du salaire des agriculteurs en vin. Chez les femmes, cette pratique explique le niveau anormalement élevé du syndrome d’alcoolisme fœtal dans le pays (14/1 000 naissances). Au cours des quatre mois qu’a duré le programme, les cinquante jeunes filles ont participé à plus de dix ateliers pratiques et ludiques en lien avec l’agriculture biologique ; deux excursions dans le Cap Occidental afin de rencontrer directement des professionnels du secteur agroalimentaire ; et une séance d’orientation et d’accompagnement pour saisir les opportunités de carrière dans ce secteur.

Tout au long de ce parcours, les participantes ont été exposées aux concepts de base de l’agro-écologie, aux méthodes d’exploitation de la terre dans le respect de l’environnement et à l’importance d’une alimentation saine et diversifiée. Elles ont aussi rencontré des agro-entrepreneurs issus des mêmes communautés de couleur et ayant réussi à améliorer leurs conditions de vie grâce au secteur agricole. Ce projet a été financé par le Youth Innovation Fund de la Banque Mondiale et réalisé conjointement avec le Sustainability Institute de Stellenbosh.

Il a rencontré un véritable succès puisque 75 % des participantes ont affirmé vouloir poursuivre des études ou une carrière dans l’agriculture à l’issue du programme.

Notre questionnaire final a aussi montré que les participantes estiment avoir augmenté de moitié leurs connaissances en agriculture biologique. Ce programme représente une première étape pour déstigmatiser le rapport à la terre et rompre le cycle de pauvreté des communautés noires et de couleur du Cap Occidental, en tenant compte du rôle primordial des femmes dans le respect du climat et de la santé.

Plus d’informations sur Climatsanté.org 
Sarah DIOURI est consultante polyglotte en Agro-Business, Banque Mondiale (Washington DC, USA). Spécialisée dans l’analyse des politiques agricoles dans 13 pays d’Afrique et d’Amérique Latine et la construction d’indicateurs agricoles mesurant l’efficacité des politiques publiques régulant le marché des intrants agricoles.