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Entretien avec Cyril Dion sur le climat

Par Propos recueillis par Pauline Izabelle et Julien Leprovost | 21 septembre 2021 | Mis à jour à 10:09


Le Monde est vert

| À l’occasion de la sortie prochaine de son nouveau film Animal, GoodPlanet Mag’ a pu s’entretenir avec Cyril Dion. Même si son documentaire Animal traite avant tout de la problématique de la préservation de la biodiversité, il aborde aussi les questions climatiques. GoodPlanet Mag’ en a profité pour faire réagir Cyril Dion aux récentes actualités sur le climat.

 

Que vous a inspiré la première partie du dernier rapport du GIEC ?

Malheureusement, la trajectoire se confirme. Nous ne sommes pas très loin des scénarios relativement pessimistes du Giec depuis le début de leurs rapports en 1990. Dès 1982, les scientifiques de l’entreprise pétrolière Exxon avaient prévu que, en 2019, on serait à 415 ppm (parties par million) de CO2 dans l’atmosphère et à 1°C supplémentaire. Et, on y est.

On perd un temps précieux en niant l’évidence et en n’acceptant pas de se mettre d’accord sur la réalité qui se produit et donc sur la réponse à apporter.

Ce qui est assez désespérant et met en colère, c’est qu’on le sait depuis 40 ans. Et, non seulement nous n’agissons pas, mais en plus des intérêts privés puissants ont organisé la contre-attaque, ont semé le doute pendant des années pour retarder l’action politique. Aujourd’hui, ce que confirme ce rapport c’est que le réchauffement climatique est anthropique, il vient des humains. On perd un temps précieux en niant l’évidence et en n’acceptant pas de se mettre d’accord sur la réalité qui se produit et donc sur la réponse à apporter.


Qu’attendez-vous de la COP26 dans quelques semaines? Pourrait-elle changer quelque chose ?

Ce qui est sûr c’est que chacune de ces COP est devenue l’occasion de pousser de plus en plus les responsables politiques et de rendre le sujet beaucoup plus visible au grand public. Je ne pense pas que la COP21 a été inutile. Les accords de Paris ont une portée symbolique et politique. Pour la première fois, 195 pays se mettent d’accord sur la gravité de la situation.

L’inertie des systèmes politiques et le poids des intérêts privés ont empêché les changements, c’est un problème de système démocratique défaillant face à l’urgence écologique. On a donc besoin de plus de démocratie. Nous avons donc une responsabilité qui va au-delà des COP. Nous avons une responsabilité dans les votes, les engagements politiques et dans le remplacement des personnes en place par des jeunes ayant une autre vision.

Que dire à ceux qui ne sont pas encore convaincus par l’urgence écologique ?

Si vous n’êtes pas convaincus pas l’urgence écologique, lisez des livres, allez voir des films et demandez-vous pourquoi il y a autant de scientifiques dans le monde qui sont en panique aujourd’hui. Ce ne sont pas seulement des rapports qu’ils rendent froidement, je rencontre des scientifiques tous les jours qui sont terrifiés par le fruit de leur recherche. Aujourd’hui, nous avons le plus grand consensus scientifique qui n’a jamais eu lieu sur un sujet.

Il faut donc accepter de se rendre à l’évidence et le plus rapidement possible afin de limiter la catastrophe.

Les rapports du Giec sont construits par des scientifiques du monde entier, de toutes les disciplines qui passent des mois à regarder toutes les études scientifiques y compris celles les plus sceptiques. Ils essaient de faire un panorama exhaustif du sujet. Ils dégagent des consensus. On ne peut pas mettre en balance un seul universitaire sceptique et le plus grand regroupement de scientifiques du monde entier qui synthétisent la totalité des études sur le sujet. Il faut donc accepter de se rendre à l’évidence et le plus rapidement possible afin de limiter la catastrophe.

La Convention a démontré que d’autres modalités démocratiques sont possibles pour proposer des lois. 

Vous avez initié une expérience inédite de démocratie participative avec la Convention Citoyenne pour le Climat. Rétrospectivement, quel regard portez-vous dessus ? Êtes-vous satisfait de ses avancées ou, au contraire, déçu que tout n’ait pas abouti ?

Évidemment, on est déçu même si l’on s’attendait à ce que ce soit difficile. Mais, on a quand même une loi climat, ce qui est mieux que rien. On aurait aimé que le Président de la République tienne sa parole et que la loi climat soit beaucoup plus ambitieuse. Pour autant, je ne regrette pas du tout. La Convention a démontré que d’autres modalités démocratiques sont possibles pour proposer des lois. Les 150 citoyens ont vraiment accompli un travail formidable et cette expérience-là devrait donner des idées à des responsables politiques pour institutionnaliser ce type de processus.

C’est aussi une façon de pousser le système dans ses retranchements et de mettre le doigt là où se situe véritablement le problème.

La Convention Citoyenne a également montré les limites de la politique d’Emmanuel Macron et celles du modèle économique actuel organisé autour de la croissance. Tant qu’on laisse des intérêts privés, portés par des grandes entreprises, avoir le dessus sur l’intérêt général, tant qu’il n’y a pas de mécanismes démocratiques qui permettent aux citoyens de contrôler la façon dont leurs élus sont perméables ou non aux intérêts privés, on ne s’en sortira pas. Donc c’est aussi une façon de pousser le système dans ses retranchements et de mettre le doigt là où se situe véritablement le problème.

Article publié avec l’aimable autorisation de notre partenaire-contributeur, le GoodPlanet Mag’. Article source ici.
©photo | Cyril Dion, auteur et réalisateur, pose durant une séance photo à Manosque, le 29 septembre 2019, durant le 21ème festival littéraire Les Correspondances. (Photo by JOEL SAGET / AFP)